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Juif du Maroc

Juif du Maroc

Voilà un blog qui décrira et donnera un aperçu de la vie quotidienne de la Communauté Juive au Maroc d'aujourd'hui mais aussi d'antan. La vie de la communauté d'un aspect intérieur, du judaïsme marocain, du Maroc, via la vue personnelle de Marocains de confession Juive ou autre, dans leur pays.


Juifs Espagnols au Maroc

Publié par Georges SEBAT sur 29 Juin 2016, 21:51pm

Catégories : #HISTOIRE & MEMOIRE

L'actualité nous fait revenir sur une partie importante de l'histoire du judaisme Marocain, l'expulsion des juifs d'espagne, qui pour beaucoup d'entre eux atterrirent au Maroc.

Aujourd'hui l'espagne consciente de cette partie sombre de l'histoire revient offrir à tous les descendants de ces expulsés la nationalité espagnole, bonne foi de cette reconnaissance et de pardon.

Voici l'histoire, racontée et expliquée par Mr Charles Bensimon, de ces ancètres espagnols, qui ont créé en partie le judaisme Marocain.

 

Georges SEBAT

Expulsion des juifs d'Espagne (gravure 1502)

Expulsion des juifs d'Espagne (gravure 1502)

D'ARAGON ET CASTILLE A FES ET MARRAKECH

Précedemment, nous avons essayé de rechercher l'origine ancienne des Israélites du Maroc, particulièrement ceux du Sud, installés dans ce pays bien avant l'ère chrétienne venus de Palestine, ils formèrent des communautés puissantes ; et dans la région de l'Atlas leur influence sur les Berbères fut considérable.

Bien différente et relativement plus récente est l'origine d'autres communautés juives qui, par vagues successives, viendront chercher refuge dans notre pays, chassées d'Espagne par les persécutions chrétiennes leur arrivée ici, va non seulement donner un éclat nouveau à la vie spirituelle et un développement prestigieux à la philosophie et aux sciences mais elle provoquera aussi des transformations très profondes dans l'économie du pays.

Voila pourquoi il nous a paru intéressant de faire connaître à nos lecteurs ces coreligionnaires qui, nouveaux venus au Maroc, joueront un rôle primordial dans tous les domaines et occupèrent une place de choix dans la vie du pays.

 

 

Marranes brûlés sur le bûcher.

Marranes brûlés sur le bûcher.

LES « MARRANES »

Fanatisée par des moines et jalouse de la prospérité dont les Juifs jouissaient en Espagne, la populace chrétienne s'était ruée en 1391 sur les quartiers juifs d'Aragon, de Castille et de Mayorque, massacrant sans pitié une grande partie de leurs habitants. Pour avoir la vie sauve, plusieurs embrassèrent le catholicisme ; ces Juifs — néo-chrétiens — convertis malgré eux, appelés « Marranes » rempliront de douloureux épisodes l'histoire tragique de l'Inquisition.

Beaucoup de persécutés, après avoir réalisé leurs biens, préférèrent s'expatrier. Plus de deux cents mille personnes comptant de fameux rabbins et des savants distingués vinrent chercher refuge en Afrique. Ces premiers pionniers de la nouvelle infiltration ethnique et linguistique juive donnèrent naissance au groupement judéo-espagnol de l'Afrique du Nord.

Dans notre pays, leurs premières colonies s'établirent principalement à Fès, Marrakech et clans les villes du littoral.

Les nouveaux arrivés furent généralement bien accueillis par les gouverneurs qui caressaient l'espoir de profiter de leurs relations commerciales avec l'Europe. En effet, grâce à leur intelligence, à leurs capacités commerciales et à leurs relations avec leurs frères de la Turquie et les pays européens, ils réussirent à relever le bien-être de l'empire marocain, contribuant ainsi dans une large mesure à l'affermissement des dynasties chérifiennes et à l'unification des provinces.

Les Sultans surent encourager l’installation des Juifs espagnols et favoriser leur développement dans le pays.

Pourquoi cette politique ? La première raison est l'influence des intendants juifs dont les Souverains ne pouvaient se passer et qui alimentaient presque entièrement le trésor de l'Empire.

 

ENTRE LES TURBANS ET LES BERETS

D'autre part, chaque émigré devait payer en débarquant un doublon d'Espagne. Mais ce qui intéressait surtout les Sultans, c'était l'essor commercial et industriel donné au pays, l'augmentation sensible de l'exportation et de l'importation des marchandises sur lesquelles ils prélevaient une taxe de 8 à 10 %.

Entretenant des relations avec des coreligionnaires de La Haye, les Juifs espagnols purent obtenir des Etats Généraux l'exemption des droits de douane pour les articles exportés au Maroc et l'autorisation d'importer des armes pour le compte du Sultan. Il en fut de même avec l'Angleterre avec laquelle le trafic était très actif, particulièrement l'échange de poudre d'or contre du sucre et des tissus.

Les Juifs indigènes par contre étaient loin d'être satisfaits, ce n'est pas sans jalousie qu'ils voyaient s'installer ces coreligionnaires raffinés, ayant sur eux une supériorité incontestable dans le domaine intellectuel, scientifique et artistique. Sur le plan commercial, ils représentaient de redoutables concurrents. Entre ceux qu'on appelait « les porteurs de turbans » (Juifs indigènes) et ceux surnommés « porteurs de bérets » (Juifs espagnols) un antagonisme profond ne manqua pas d'éclater. Si les uns considéraient les autres comme des « Roumis », (des Européens) presque non juifs, ces derniers traitaient les Juifs autochtones de « Forasteros » (étrangers, presque barbares). Cet antagonisme, quoique atténué, persiste encore de nos jours entre les descendants des deux éléments.

Le nombre de réfugiés espagnols et portugais ne cessa de s'accroître pendant toute la durée du XVème siècle. La dernière grande émigration eut lieu en 1492 quand Ferdinand et Isabelle la Catholique ordonnèrent l'expulsion définitive de tous les Juifs d'Espagne.

 
“Expulsion des Juifs d’Espagne”. (31 mars 1492 : le grand inquisiteur Thomas de Torquemada demande au roi Ferdinand le Catholique et à la reine Isabelle de Castille d’expulser les Juifs)

“Expulsion des Juifs d’Espagne”. (31 mars 1492 : le grand inquisiteur Thomas de Torquemada demande au roi Ferdinand le Catholique et à la reine Isabelle de Castille d’expulser les Juifs)

Beaucoup parmi ces proscrits débarquèrent au Maghreb : un groupe à Oran et un autre à Badis, ancienne ville romaine située entre Tétouan et Melilla. Tous deux prirent le chemin de Fès qu'ils atteignirent après de véritables épreuves.

Mais les habitants de la capitale leur marquèrent une certaine hostilité, surtout à cause de la peste qui s'était déclarée parmi les réfugiés ; Le Sultan Abou Saïd leur réserva un meilleur accueil. Il leur assigna un emplacement près des murs de l'ancienne ville ; ainsi était créé un nouveau quartier juif, le Fondag. Fès comptait alors cinq mille maisons Israélites et le Maroc tout entier plus de trente mille familles juives sans compter probablement les Juifs du « Bled-es-Siba » (territoire échappant à l'autorité du Sultan). Les communautés judéo-espagnoles installées sur le littoral nord-africain de Tripoli jusqu'à Salé finirent par imposer leur langue et leurs mœurs aux Juifs indigènes de ces provinces mêmes. Mais les populations juives du Maroc, de langue arabe ou berbère, résistèrent à toute absorption par cet élément venu du dehors : les villes de l'intérieur, le Sud tout entier et même la côte, de Rabat vers le Sud maintinrent l'autonomie de leur langue primitive et de leurs mœurs propres, sans laisser toutefois de profiter largement de l'impulsion morale et économique donnée au pays tout entier par les nouveaux venus. Les exilés finirent par se créer des situations stables et conquérir par étapes la direction des affaires de la communauté, à Fès, à Meknès, Debdou, Tanger, Tétouan, Salé, Azila, Larache et Safi. Ces communautés judéo-espagnoles dites « Kchiloth Kedochoth Hamegorachim Micastilla » exercèrent une influence considérable sur les populations juives du Maroc.

 

UNE ERE NOUVELLE

De nombreux et illustres rabbins nouvellement installés en prirent très rapidement la direction spirituelle. Au cours de réunions ils élaborèrent des « Takanoth » (règlements) destinés à apporter aux institutions du droit mosaïque, existantes, des assouplissements et des modifications, constituant en certaines matières une véritable révolution juridique.

Dans les grands centres marocains des « Yeshivot » s'ouvrirent. Les études furent à nouveau à l'honneur. Le judaïsme marocain dont le génie religieux et intellectuel avait illuminé le Moyen-Age judéo-arabe avait été secoué jusque dans ses fondements par le fanatisme des Almohades et condamné à végéter pendant de longs siècles. Avec l'apparition des réfugiés d'Espagne, il voit s'ouvrir pour lui une ère nouvelle de régénération spirituelle et de relèvement intellectuel. Et du XIVème au XVIème, la littérature religieuse, la philosophie, les sciences connaîtront une renaissance, un épanouissement remarquable au sein des communautés juives du Maghreb.

La liste des rabbins notaires de cette époque exigerait un essai spécial qui dépasse le cadre de cette étude. Les médecins, les savants, les financiers Israélites étaient nombreux, les Sultans et les Vizirs les recherchaient et leur confiaient souvent les charges les plus importantes.

Ainsi donc l'exode des Juifs d'Espagne au Maghreb provoqua une révolution économique et financière dont les conséquences furent considérables pour la richesse et le développement intérieur du pays. D'autre part, rabbins et savants redonnèrent au judaïsme marocain le goût de l'étude.

Avec leurs disciples ils occupèrent une place de choix dans le judaïsme mondial aussi bien sur le plan religieux que dans le domaine philosophique et scientifique.

 

Les Juifs espagnols au Maroc

par CHARLES BENSIMON

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